Ce matin, mon réveil a sonné à 4 heures, j’avais un truc à faire. Par je ne sais quelle programmation cérébrale, peut être issue de mon passé militaire, j’étais réveillé avec dix minutes d’avance et me retrouvais à flotter dans un demi-sommeil favorable à la cogitation.
Pourquoi le sujet est arrivé comme ça sur le tapis, aucune idée.
Rien d’inhabituel à mon quotidien dans les derniers jours : lecture (je viens de terminer la série des Mickey Haller de Michael Connelly); préparation à l’écriture d’Angel, le 3e opus de Furor Arma, qui débutera sous peu ; poursuite de la promotion de Catapulte, le guide destiné aux profils atypiques ; balades à moto, propices au surgissement de nouvelles idées ; suivi avec mon agent littéraire du voyage de Rybka vers les maisons d’édition. Bref, rien que de très ordinaire.
Le truc qui a surgi tout à coup, c’est la prise de conscience que mon activité d’écriture à plein temps a débuté il y a presque quatre ans. Quatre ans déjà…
Et je parle bien d’activité d’écriture, pas d’écriture en tant que telle. Celle-ci, finalement, ne représente que l’aboutissement d’un engagement chronophage consistant à réfléchir, conceptualiser, brouillonner, se renseigner, changer d’avis, effacer, commencer un autre truc en parallèle, développer la comm et la promotion, alimenter les réseaux sociaux, ou encore, cerise sur le gâteau, participer à une entrevue ou à un Salon du livre. Tout ça en conservant une motivation indestructible face aux délais interminables, aux réponses négatives, aux résultats décevants et aux jours sans. Oui, il y en a aussi. Plein…
Si vous ignorez à quoi ressemble la vie quotidienne aux côtés d’un auteur, jetez donc un coup d’oeil à ce post.
Nous sommes nos pires critiques. Alors que l’élue de mon coeur me rassure en soulignant que publier ne serait-ce qu’un seul roman et en vendre quelques centaines d’exemplaires représente déjà un accomplissement en soi, je lui renvoie que Rybka est toujours en recherche d’un éditeur, que Sphère ne suivra que lorsque j’aurai le temps de m’en occuper et que Catapulte cible une niche suffisamment restreinte pour que son succès provienne davantage de la satisfaction d’avoir mené au bout cette introspection que du nombre d’exemplaires écoulés.
Mon ami Nicolas Beaumont et moi ne comptons plus les nuits blanches à philosopher sur tel ou tel sujet. Un jour, je lui ai demandé ce qui le différenciait lui, photographe, de quelqu’un qui prend des photos. Il m’a laconiquement répondu que c’est la même différence qu’entre un pilote de course et un conducteur de voiture. On en était resté là.
Cette nuit, ça m’est revenu et j’ai compris. La différence, c’est le lent et viscéral processus de transformation qui change le dilettante en professionnel, le connaisseur en acharné, celui qui fait entre autres choses en celui qui ne se voit pas faire autre chose.
John le Carré n’a percé qu’à son troisième roman.
Les trois premiers manuscrits de Stephen King, Rage, Blaze et Running Man ont tous été refusés par les éditeurs.
Et on connait le parcours à la fois chaotique et plein d’espoir de J.K. Rowling.
Évidemment, nous ne sommes pas tous destinés à devenir John le Carré, Stephen King ou J.K. Rowling. En revanche, il est certain qu’aucun de ces trois-là n’a su à l’avance où leur persévérance allait les mener. Je serais même curieux de savoir où ils en étaient quatre ans après avoir commencé.
Alors, pour répondre en quelques mots à la question de départ, je dirais que puisque je pense, je m’affaire et je vibre comme un écrivain alors oui, je suis un écrivain.